Par un arrêt du 22 décembre 2023 (RG n°20-20.648), la Cour de cassation a jugé que l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à son exclusion des débats. Cette décision modifie profondément la manière dont les juridictions civiles françaises, et notamment les Conseils de prud'hommes, apprécieront désormais les éléments de preuve, et a des implications importantes pour la pratique judiciaire. Me Lucille Boirel, votre avocat à Lyon et dans sa région, vous éclaire sur cette décision importante et son impact en matière de droit du travail.
Cet arrêt intervient dans un contexte de débat sur la balance entre la recherche de la vérité et le respect des droits fondamentaux des parties, notamment le droit au respect de la vie privée et le droit à un procès équitable. Les faits de l'espèce concernaient l'utilisation de preuves obtenues de manière potentiellement déloyale dans le cadre d'une procédure devant le Conseil de prud'hommes.
Avant ce revirement, la jurisprudence française était stricte quant à la recevabilité des preuves obtenues de manière illicite ou déloyale. En application du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, les juridictions excluaient systématiquement de telles preuves des débats, indépendamment de leur pertinence ou de leur impact potentiel sur la vérité des faits en litige. Cette position reposait sur le respect des droits fondamentaux et la protection des parties contre les atteintes à leurs droits privés.
Les motifs de la décision
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a introduit une approche plus nuancée. Elle a jugé que l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à son exclusion des débats. Cette décision repose sur une réévaluation des critères de recevabilité des preuves, mettant en balance les droits fondamentaux et l'exigence de vérité dans le procès.
Les critères de recevabilité introduits
Pertinence de la preuve : La Cour considère que la pertinence de la preuve pour établir la vérité des faits doit être un critère essentiel dans l'appréciation de sa recevabilité.
Gravité de l'illicéité : La nature et la gravité de l'illicéité ou de la déloyauté dans l'obtention de la preuve doivent être évaluées pour déterminer si cette preuve peut être admise.
Impact sur les droits des parties : Le juge doit apprécier l'impact de l'admission de la preuve sur les droits des parties, en particulier le droit à un procès équitable et le respect de la vie privée.
Ce revirement de jurisprudence introduit une évolution majeure dans le droit de la preuve en matière civile. Il offre aux juges une plus grande marge de manœuvre pour évaluer la recevabilité des preuves, prenant en compte la spécificité de chaque cas et la nécessité d'une justice équilibrée.
Les juges civils devront désormais effectuer une analyse au cas par cas de la recevabilité des preuves illicites ou déloyales. Cette décision renforce leur rôle dans l'appréciation des preuves et impose une motivation plus détaillée des décisions relatives à l'admission ou à l'exclusion des preuves.
Pour les avocats et les justiciables, cette décision implique une stratégie plus complexe dans la constitution des dossiers de preuve. Les avocats devront être particulièrement vigilants quant aux conditions d'obtention des preuves et préparer des arguments robustes pour justifier l'admission ou contester l'exclusion de preuves potentiellement illicites ou déloyales.
L'arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 22 décembre 2023 (RG n°20-20.648) représente un tournant significatif dans la jurisprudence relative à la recevabilité des preuves obtenues de manière illicite ou déloyale en matière civile. Ce revirement, en introduisant des critères d'appréciation plus souples, modifie profondément les pratiques judiciaires et les stratégies des praticiens du droit. Il reflète une évolution vers une justice plus flexible, visant à équilibrer la recherche de la vérité et le respect des droits fondamentaux des parties.
Une question concernant votre litige devant le Conseil de prud'hommes ? Un doute quant aux modes de preuve que vous pouvez produire ? N'hésitez pas à contacter Me Lucille Boirel, votre avocat à Lyon et dans sa région (Vienne, St-Etienne, Bourg-en-Bresse, Grenoble, Valence, etc).